Pour expliquer la place et le rôle du « médecin de rééducation » au Levain, je me suis appuyée sur la Charte de qualité en Médecine Physique et de Réadaptation (MPR) concernant toutes les structures qui dispensent des soins de MPR. Ce document, rédigé en juin 1999, est le fruit du travail de l’ensemble des structures nationales rassemblées au sein de la Fédération Française de Médecine Physique et de Réadaptation (FEDMER).
La charte de qualité des structures qui dispensent des soins de MPR a pour objectif de présenter les missions et l’organisation de chacune d’elles.
Préambule de la charte
En référence à la classification de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS), les patients souffrent de lésions responsables de déficiences. Celles-ci génèrent des incapacités, sources de désavantages et de handicap. La MPR est au service des personnes porteuses de déficiences et d’incapacités dont la qualité de vie est altérée, temporairement ou définitivement.
Les médecins de MPR coordonnent les soins après avoir établi le diagnostic, en particulier du déficit fonctionnel, par les examens cliniques et complémentaires nécessaires
L’objectif de la MPR est l’amélioration de la fonction pour favoriser l’autonomie, l’insertion sociale et la qualité de vie, en utilisant les moyens humains et matériels nécessaires, selon les règles de bonne pratique. Son action respecte une éthique orientée vers l’intérêt du sujet, par la délivrance d’une information adaptée qui permettra de faire un choix éclairé.
Les concepts de la MPR
La spécialité de MPR s’adresse à des personnes présentant une ou plusieurs déficiences auxquelles est proposé un projet global : soins en vue de la meilleure récupération et élaboration des adaptations nécessaires à la meilleure insertion socio-familiale. Ces sujets nécessitent un suivi médical régulier, une coordination des soins infirmiers et de rééducation-réadaptation, une réflexion interdisciplinaire médicale, paramédicale, technique, éducative et sociale. Le projet doit être compatible avec les besoins et les désirs des sujets et de leur famille.
Modalités et fonctionnement au Levain
J’interviens dans l’établissement depuis 2 ans, à raison de 3 heures par semaine, le lundi matin.
Lors d’une admission, une première consultation s’effectue pour faire connaissance avec l’enfant et sa famille ; le dossier antérieur est consulté et l’enfant est examiné pour définir les grands axes de rééducation. Ainsi, sont définis :
les objectifs de kinésithérapie par rapport à l’examen orthopédique et à l’examen de la motricité globale
les besoins d’appareillage (siège moulé, corset, attelles, chaussures orthopédique, verticalisateur, flèche de marche…)
les objectifs de l’ergothérapie par rapport à l’habilité, aux difficultés oculo-manuelles, à l’acquisition de matériel adapté (fauteuil, poussette, coquille de bain…) et à l’aménagement du domicile.
les objectifs de l’orthophonie par rapport aux possibilités de communication et à la motricité bucco-faciale, en particulier pour l’alimentation.
les besoins de psychomotricité
Le suivi orthopédique s’effectue en collaboration avec le chirurgien orthopédique qui suit l’enfant car, de cette collaboration, dépend la bonne application des traitements par des appareillages parfois contraignants. Ainsi, je me propose depuis le début de l’année 2006, d’accompagner les familles qui le souhaitent à la consultation de chirurgie pédiatrique. Sinon, un courrier adressé au médecin accompagne l’enfant avec éventuellement les radiographies qui auront été réalisées avant cette consultation.
Une collaboration étroite est également nécessaire avec les ortho-prothésistes qui réalisent les appareillages. Les moulages peuvent être réalisés dans l’établissement, ainsi que les différents essayages et la livraison du matériel. Les parents sont toujours informés et conviés à assister à ces différents temps de l’appareillage. A la livraison, le matériel est essayé dans l’établissement par le kinésithérapeute. Si l’appareillage est bien toléré, une information est ensuite faite auprès du personnel qui s’occupe de l’enfant pour une période d’adaptation dans l’établissement avant de le confier aux parents. Un rendez-vous peut-être proposé pour montrer la mise en place.
Un cahier de liaison de rééducation permet de noter les informations et les questions de tous les intervenants paramédicaux mais une transmission orale régulière sur les appareillages se fait avec l’équipe éducative.
Par ailleurs, l’enfant est revu régulièrement dans l’établissement pour une observation de la vie quotidienne afin d’adapter au fur et à mesure les conseils donnés à l’équipe éducative.
Des réunions pluridisciplinaires sont effectuées 1 à 2 fois par an pour faire le point avec l’ensemble des intervenants.
Une fois par an, l’infirmière propose aux parents un rendez-vous de consultation de rééducation pour faire le point sur l’évolution de leur enfant.
Spécificité de la prise en charge rééducative des enfants polyhandicapés
L’enfant polyhandicapé présente une association de plusieurs déficiences sur un organisme en développement.
Il faut donc veiller à ce que les déficiences en particulier motrices, n’entraînent pas de déformations orthopédiques. C’est pourquoi on installera l’enfant dans des positions évitant les luxations de hanches à l’aide de sièges moulés et qu’on essaiera de le verticaliser grâce à des verticalisateurs réalisés sur moulage.
Pour les pieds, les mains ou les hanches, on pourra préconiser le port d’attelles, de jour ou de nuit. Le suivi orthopédique permettra de dépister toute déformation débutante qui pourrait nécessiter un appareillage ou un geste chirurgical.
La kinésithérapie permet de conserver une certaine souplesse articulaire ou d’éviter une aggravation trop importante. Elle essaie également d’accompagner l’enfant dans le développement de sa motricité en ayant comme référence ce qu’on appelle les NEM (Niveaux d’Évolution Motrice) qui sont les différents enchaînements que tout enfant doit acquérir pour passer de la position allongée du nouveau-né à la position debout. Les aides à la déambulation comme les flèches de marche peuvent être utiles ainsi que les chaussures orthopédiques qui permettent d’avoir un meilleur appui au sol.
Les enfants présentant une déficience visuelle associée ont besoin d’un guidage du geste aussi bien dans leur motricité globale que dans la motricité des membres supérieurs. En effet, il pourra par exemple méconnaître comlétement l’utilisation de ses mains car n’ayant pas la coordination entre son regard et ses mains, il n’a pas conscience que celles-ci peuvent lui servir. Il faut donc lui montrer les gestes pour qu’il finisse par les faire. Il est important également de l’aider à fixer son regard et le stimuler ensuite pour les déplacements du regard. On utilisera la lumière, les couleurs vives, le mouvement des objets, le bruit et aussi le contact.
Un autre point important de la prise en charge rééducative concerne la communication qui demande une observation attentive de tous les intervenants pour arriver à une compréhension toujours plus fine des enfants et les aider à construire avec leurs moyens une communication efficace. Le premier objectif sera d’arriver à une réponse « oui »« non » fiable. On pourra ensuite utiliser des images, appelées pictogrammes, pour les enfants sans problème visuel.
Même si la compréhension ne peut-être évaluée, il faut garder à l’esprit que les enfants peuvent avoir une compréhension intuitive qui passe par des tas de signes que nous émettons sans nous en rendre compte et que l’explication simple des situations rencontrées dans le quotidien lui permet de se repérer par rapport à l’endroit, le lieu, les circonstances et d’être rassuré.
De plus, on a constaté que ces enfants se développent psychiquement malgré leur plus ou moins grande dépendance et qu’à certaines périodes de leur vie, ils vont pouvoir se manifester en fonctions de ces étapes ou de ce qu’ils vivent. C’est pourquoi une collaboration avec la psychologue est importante pour accompagner l’enfant dans son projet et aider ses parents à le voir grandir dans son corps mais aussi dans sa « tête ».
La Médecine Physique et Réadaptation (MPR) doit permettre une prise en charge globale de l’enfant dans sa famille et par rapport à son environnement social. Le médecin permet de faire le lien entre tous les professionnels et avec la famille. Son rôle est d’accompagner l’enfant et sa famille vis à vis de son handicap.
Docteur Annic LETOURNEL
Médecin spécialiste MPR au Levain